La correspondance d'Albert Bailly Volume V Années 1654-1655 publiée sous la direction de Gianni Mombello

Gaze/te 371 2 1 3 tout ce qu' elle fait. Chacun en parle ainsi. O n ne la sçaurait surprendre. I l est ce me semble, à propos, que ce nouveau Ambassadeur sçache toutes ces choses pour le mieux attacher / ( f02r) à V.A.R. et le rendre plus circonspect en ses negotiations. Depuis que j ' ay apris ces menées, je I ' ay publié, et fait publier par tout pour un homme achevé, et grand en toutes choses, en naissance, en doctri ne, en conduite, en vertus, et en sincerité, car le bon Monsieur de Briene demande tousjours des ambassadeurs sinceres. Les esprits fins croient que M. le Cardinal pousse le Parlement à bout°, non pas / (f' 2v) pour se vanger, car il n ' est pas estimé sanguinaire, ni vindicatif, mais pour etourdir tellement cette premiere Compagn i e du Royaume, qu' el le n ' ait plus de veue, ni de hardiesse de s' opposer à ses grands desseins, dont on dit que le plus grand est de marier sa niepce Manchini au Roy7. Elle est tousjours auprés de l uy, joue avec luy, se pourmene avec luy, et l ' autre jour, pour montrer qu ' i l commence de l ' aimer, estant tous deux surpris de la pluie, il la couvrit de son chapeau, ce qui estant raporté à la Reyne / (f03r) on remarqua qu ' e l l e rougit. Enfin Madame, rien n ' est i mpossible à cet heureuxh Ministre. Il ne faut sinon qu ' il veui lle. [l disoit l ' autre jour à une persone de condition, et que j ' ay l ' honeur d' aprocher, sur le mariage dont on a tant parlé du Roy avec nostre Princesse, que veritablement la Reyne 6 Il s'agit encore de la question des édits que le Parlement refusait de vérifier sans les avoir examinés (cf. gaz. 370, n. l ); le 2 1 avril, lors d' une mercuriale, les Chambres décidèrent d'adresser des remontrances au Roi, qui leur avait interdit de se réunir le 1 3 avril. 7 Dès le 10 mars 1 654. Guy Patin écrivait: "on dit qu'il y a une des nièces du Cardinal d' une beauté singulière, que l ' on espère de faire monter sur le trône de la fortune, bien qu'elle ne soit que nièce d ' un Jupiter cramoisi, ou pour parler avec Scaliger, d ' un Champignon du Vatican" (Lettres choisies de Guy Patin ( . . . ), cir . . t. 1. p. 226). Il s'agit d'Olimpia Mancini ( 1 638- 1 708), soeur aînée de Maria et d'Ortensia. Elle était arrivée en France en 1 647 et elle avait grandi avec Louis XIV; les amours d'Olimpia avec Louis XIV sont évoqués dans la plupart des mémoires de l'époque. ainsi que dans la Muze Historique; Bailly e n parle souvent à la Duchesse. qui était particulièrement i ntéressée à ce sujet étant donné les projets qu'elle espérait réaliser pour le mariage de sa fille Marguerite; Madame de Motteville (Mémoires. cit. . p. 446) évoque "[s]es yeux pleins de feu"' et sa grande ambition, mais elle en parle comme d' une "'médiocre beauté ( . . . ) [qui] parut aimable aux yeux du Roi, et assez jolie à tous les indifferens". Elle ajoute que le Roi "la voyait souvent. et cet amusement fit presque craindre que cette passion. quoique légère, ne le portât à vouloir l u i faire plus d'honneur qu 'elle n ' en méritait", mais elle précise que la Reine refusait catégoriquement d'entendre parler de cette amitié comme de quelque chose "qui pourrait tirer au légitime". Quant au Roi, Madame de Motteville se dit persuadée qu'il ne pensajamais à l 'épouser. La passion du Roi pour Olimpia continua en 1 656, et même après le mariage de celle-ci avec Eugène de Savoie, en 1 657.

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