La correspondance d'Albert Bailly Volume VII Années 1659-1663 publiée sous la direction de Gianni Mombello
244 Correspondance d 'A. Bailly - 1 664- 1 672 escrit ni parlé depuis, mesme je ne voiois plus cette fille, et elle se pleignoit que je l ' avois abandonée. Tant y a Madame, que sur mon salut, j e n ' ai eu aucune part à tout cet i ntrigue, et si aprés avoir examiné tres exactement cette demoiselle, et trouvé qu' elle n' etoit aucunement appellée à la rel igion, j ' ai dit Là dessus avec ma franchise acoutumée, et en conscience, mes sen timents à Mons[ieur] le comte Truchi4 tout p lein de charité; ç ' a été pour sa tisfaire à mon devoir, et pourvoir au salut de cette pauvre fille qui, ne pou vant plus demeurer dans un monastere, auroit couru grande risque, si elle en fût / ( f02r) sortie, et rentré[e]" dans le monde d ' une autre maniere que cel le que de bons serviteurs, et servant" Dieu , par un saint motif de charité, ont eté inspirés de l u i ouvrir'. Au fond, Madame, toute la terre ne me feroi t pas trahir ma conscience, ni ma dignité. Et s i j ' avois pressé cette fil le d ' es tre religieuse contre son gré, j ' aurois peché mmtellem[ent]. Et V.A.R. a trop de vertu, et a la conscience trop delicate pour avoir eu seulement la pensée que je fusse capable de faire violence à cette fil le, contre la loi divine, ex pliquée par les Peres du Concile de Trente qui menacent d ' excommunica tion tous ceux qui poussent les fil les à faire des vœux contre leur volonté6. Il n ' y en / ( f02v) a que trop, Madame, dans les monasteres, qu ' on a i mmo lées à 1 ' avarice de leurs parents, et au desespoir. Et loin que les Evesques qui sçavent leur metier, conse i l lent mesme aux fil les d ' entrer en religion, quand i l s les examinent, ils leur en representent l ' etat tres epineux, s' i l s ne les detournent pas de l ' embrasser. Il y a des filles qui se sauvent en religion et qui se danneroient dans le mariage, et i l y en a qui se dannent en religion, qui feraient leur salut dans le mariage. Nous avon s tous, Madame, deux moiens de nous elever au ciel. La grace en est l e premier, et 1' immediat, et la vocation ou vacation en est le second, et l' eloigné. Dieu a attaché cette grace à une vocation, soit etat. Il y faut entrer, dans cette vacation ou voca- " Giovan Battista Truchi (cf. lett. 576, n. L O) s Notre évêque semble avoir été très attentif sur ce sujet. tant qu'en 1 684 i l écrivit un Traité de la véritable dévotion, dédié à Madame la Duchesse Ravale (Anne-Marie d 'Orléans, épouse de Victor-Amédée Il), publié à Aoste chez Riondet. " En effet, les monastères féminins se trouvaient dans une situation de décadence. parce que la véritable vocation des filles à la vie religieuse était moins importante que la volonté des familles aisées de conserver l ' intégrité de leur patrimoine. Pour garantir le l ibre choix de la vie religieuse, le Concile de Trente avait obligé les évêques à soumettre les filles à un examen de vocation et établi comme peine l"excommunication pour tous ceux qui force raient une jeune fille ou une veuve à entrer en rel igion. Cf. A. ERBA, op. cit., pp. 378-379.
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