La correspondance d'Albert Bailly Volume VII Années 1659-1663 publiée sous la direction de Gianni Mombello

294 Correspondance d 'A. Baillv - 1 664- 1672 oloit tous les fruits de la terre depuis quinze jours. Cette bonne religieuse, malade depuis la Feste Dieu 13 d ' un mal de gozier si êtrange que, les medi­ caments n ' aiant rien operé, on fut contraint d' appeler les chirurgiens pour y apliquer le fer, i l s le firent, mais i nutilement. Aprés cette vaine apl i cation, cette fi lle perdit la paroi le, demeura comme muette dix jours entiers, durant lesquels elle ne pût rien avaller ni de clair1 1 ni d' epais (je me sers de ses pro­ pres termes, car je I ' exami nei hyer) . Dans cette extremité ell ' entendit pas­ ser nôtre procession, elle se fit porter, i nspirée de Dieu, sur leur petit clocher pour voir cette sainte ceremonie, à laquelle j ' asistois revetu de mes habits pontificaux, avec les chapitres, les rel igieux et plus de cinquante paroisses, chacune sous son etendar part i cu l i er. S itost que cette fi l l e apperceut la s[ain]te chasse de s[ain]t Grat, et son s[ain]t chef, que quatre de nos chanoi­ nes de la cathedrale portoient, elle se sentit toute transportée de joie, elle be­ nit la Sainte Trinité qui couronnoit son Saint da tant de gloire sur la terre, et êlevant son esprit j usque dans le ciel , elle s'ecria interieurement, n ' aiant pas l ' usage de la parolle exterieure: «Dieu, que la gloire de ce saint doit estre sublime dans le ciel puisqu ' elle est si êclatante dans le monde ! » . Dans cette belle veuë elle croioit e l le mesme estre en paradis, tant elle estoit remplie, et comblée de plaisirs celestes. «Dieu», adjouta+elle, «ne me refusera à pre­ sent par sa misericorde, aucune grace que je lui puisse demander», et ne sça­ chant à quoi se determiner, elle fut tout d' un coup inspirée de demander à Dieu, par l ' i n tercession de s[ain]t Grat, sa guerison . La priere estant faite, son mal s' augmanta terriblement, et crut qu'elle alloit mourir dans sa convul­ sion. Elle jetta encore les yeux sur la chasse de s [ain]t Grat, que les porteurs fatigués faisoient reposer avec eux, et incontinant aiant recouvrée [sic] l a pa­ roll e , e l l e s ' écria tout haut à sa compagne : «Vo i l à encore l a chasse du S [ain]t», et / (f'°2r) i ncontinant e lle fut guerie. Elle s ' al [l ] a mettre sur son l it, dormit profondement durant trois heures, mangea estant êveillée avec grand apetit, et s ' est tousjours bien portée du depuis. J' oubliois de dire que l e re­ tour de sa santé fut accompagné d' un frisson u niversel par tout son corps. Si cela n ' est pas un m iracle, Messieurs, j ' aurois peine d ' en croire aucun. Ce monastere fleurit dans cette ville depuis quatre cents ans1\ il est, et a tous- J.\ C'est-à-dire le 23 juin. " «Qui a peu de consistence, qui est opposé à épais. Il se d it proprement des choses liqui­ des». Dictionnaire de l 'Académ.ie, cit., t. I, p. 1 94. 15 Effectivement on ferait remonter la date de l' arrivée des fondatrices de ce monastère à la fin du XII' siècle. Voir aussi la note 4 de la lettre 56 1 .

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