La correspondance d'Albert Bailly Volume VII Années 1659-1663 publiée sous la direction de Gianni Mombello
42 Correspo11du11ce d 'A. Bui/11· - / 664- /672 Dans les lettres que nous éditons ici, i l nous l ivre un magnifique exempl e de lettre de consolation, dans lequel i l nous dévoi le toute sa maîtrise dans ce domaine: i l s ' agit de la l ettre envoyée le 1 9 j anvier 1 664 ( lett. 546) à roc casion de l a mort des deux duchesses de Savoie. Si l on regarde à I ' ensem ble du genre épistolaire, ce sous-genre de la lettre formelle semble être plus strictement 1 ié à l a théorisation que d' autres. Selon la coutume, une lettre de consolation pour la perte d ' un proche doit porter sur des éléments fi xes : premièrement, l ' épistolier doit exhorter son correspondant à ne point s ' af fl iger dans sa douleur puisq ue ce l a serait inhumain et donc indigne d ' un homme de qualité, ensuite i l doit l u i demander de modérer son affl iction et de montrer tout son courage dans l a souffrance qui ne sera apaisée que par le temps. Enfin, selon la morale chrétienne, i l est nécessaire d' encourager le souffrant à avoir foi en Dieu, puisque c ' est lui qui pourra accorder la joie après l e chagrin 11r'. Bailly suit donc ce schéma, mais son originalité porte sur le fait qu ' après avoir conclu la lettre de consolation pour la mort de Chri stine, il enchaîne avec des mots touchants sur la mort de l ' épouse de Charles-Emmanuel, Françoise-Madeleine d ' Orléans 1 17• JI sait donc s ' affran chir de la rigidité des convenances, pour atteindre l ' atmosphère plus per sonnelle et authentique. Laissons parler le consolateur: "A peine commenciés-vous à respirer. Monseigneur. et vostre rai son n ' avoit pas presque encore bien entendu les premicrcs propositions que la nature luy faisoit de vous inspirer de chercher quelque plaisir qui vous empeschat de succomber au poids de vostre tristesse. qu' une seconde grace negative a i mposé si lence à cette nature delicate. et vous a enlevé vostre divine epouse pour vous replonger dans le profond de la douleur." Bailly use avec adresse de l a rhétorique et en particulier de l ' hyperbole pour atteindre son but: celu i de toucher le cœur du souffrant pour le consoler de ses pertes, sans oublier les contraintes de l ' éloquence d' apparat afin de s' at tirer les grâces du duc. Enfin, il écrit aussi pour flatter et amuser. Si dans ces lettres les formules de politesse semblent un peu excessives pour le goût contemporain, i l faut consi dérer qu' elles sont tout à fait conformes à la l i ttérature encomiastique en vo gue à l ' époque, oü plaire et flatter étaient les deux notions qui régissaient 1.v. Cf. M. T. SHIRT, op. cir., t. L pp. 93-94. 1.\7 Sur le mariage et la mort de la première femme de Charles-Emmanuel Il voir le paragra phe 2. 1. de l ' introduction.
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