La correspondance d'Albert Bailly Volume VII Années 1659-1663 publiée sous la direction de Gianni Mombello

[ntrod11clio11 43 les relations avec les détenteurs du pouvoir. D' ai l leurs, comme la lettre pas­ sait aussi pour une sorte de présent, il était parfois nécessaire de l ' embel l ir et de lorner. Et voil à que notre prélat parsème ses lettres de vers et d' anec­ dotes; par exemple, dans l ' une des lettres adressées à la deuxième Madame Royale (lett. 562), il écrit des vers à la l ouange du futur duc Victor-Amédée II. Nul doute que notre évêque connaissait l ' art et les avantages d' un com­ pliment bien p lacé . Mais Bailly sait aussi amuser son interlocuteur en cher­ chant par ailleurs à éveiller sa curiosité par le biais d ' un langage imagé (lett. 6 1 5) , ou encore par des jeux de mots ou des anagrammes ( ''en changeant J ' A de son nom [ de Charles ] en un 1, il s ' en fait un Cher lis", lett. 628) . Cependant notre épistolier peut s ' abandonner avec l a même aisance au sé­ rieux ( lett. 557). 11 prouve alors son adresse dans la prose, qui est toujours raffinée, mais sait aussi être rigoureuse et efficace. Bailly fait également preuve d' érudition dans son usage savant des citations, qui sont pour la pl upart bibliques, comme on peut s ' y attendre, ( p . e . lett. 59 1 ) mai s qui montrent également sa formation de j uriste lorsqu ' il doit dé­ fendre ses intérêts ( lett. 640). Comme on l ' a observé à plusieurs repri ses, Bailly possède donc une solide conscience littéraire, et l orsqu ' i l se propose d' écrire il le fait toujours en do­ sant avec savoir les différents tons et en soignant tout particulièrement la composition, afin de conférer à la lettre des accents personnels . À travers ces pages, Bai l ly s ' exerce dans tous les types d e lettres à l a mode, en remplaçant la rigueur qui était typique des "lettres" diplomatiques par un style plus aisé, farci de tournures poétiques et composé dans une prose variée et élégante, toujours soucieuse de cet idéal de clarté et de bienséance qu' i l avait appris en fréquentant Vaugelas. Ces lettres nous dévoilent peu à peu l ' intériorité de leur auteur, son carac­ tère et ses sentiments, mai s davantage encore ses cra i n te s : dont cel l e constante de l ' oubli, de son é loignement, du chagrin de l ' absence. Le sen­ timent de précarité qu i se dégage de toute correspondance de "courtisan", soucieux de perdre le soutien de son souverain, est renforcée par le fait qu' i l s ' agit ici d' une correspondance à sens unique; en effet, nous ne possédons pas les réponses des i nterlocuteurs de Bailly, si lon excepte que lques let­ tres du duc qu i nous ne laissent cependant pas imaginer l ' existence d' une relation privilégiée entre eux 118. 1" Ces lettres. peu nombreuses. sont aujourd' hu i conservées dans le Recueil de J.- B . de Til lier. Cf. B .R.T., Ms. St. P. 543. Recueil de pl11sie11rs sortes de lellres . . . , cit . .