La correspondance d'Albert Bailly Volume VII Années 1659-1663 publiée sous la direction de Gianni Mombello
Lettre 558 9 1 Mais, Monseigneur, mon esprit estant trop court e t trop foible pour entre prendre un si grand ouvrage, j ' ai prié un de mes amis', qui est en reputation d' escrire assés bien quand il reussit, de se charger de ce soin, et de descrire une beauté parfaite en general, / (f03r) sans s ' attacher à aucune en particu l ier, de crei nte4 de passer pour temeraire et de vouloir, con tre l ' oracle de !'Ecriture, penetrer dans le secret du roy'. Monseigneur, cet homme me re pondit d' abord qu ' i l n ' en conoissoit qu' une qui eut des quali tés dignes de s'attirer la grace et le bon-heur de vous avoir pour epoux, et que, pour ne pas faillir à" depeindre au naturel cette persone bienheur[eu ] se que vous de viés epouser, il ne pouvoit tirer que celle là. Et d' abordb tout inspiré, et rem pli d' entousiasme, il s ' escria : «La j eunesse, I ' eclat, la grace, la santé ', La tai l le, l a vertu, l ' esprit, l a bonne mi ne , Son t les vrai s ornements qu i parent la beauté Que le ciel pour epouse à mon prince destine. / (f03v) On la conoit assés. Son nom n ' est point secret, Parce qu ' elle est unique, et la seule bien faite; Et comme ce grand prince est un prince parfait, Il ne peut epouser qu' une femme parfaite. » I l alloit, Monseigneur, continuer, car i l e s t fort fecond, et de peur qu' il ne me nommat cette future souveraine que j e ne doi s point conoistre, j e luy à y marquer naturellement l ' air, le visage. les mœurs et les inclinations des gens. L'une des ses plus sensibles beautez consiste en cela. Il ne faut pourtant pas peindre si fort d' après nature, qu'on n'aille un peu au-delà; mais sans choquer la vrai-semblance. Les grands pein tres la pratiquent de la sorte: et l 'on doit les imiter». P. R1cHELET, op. cit. , s.v.. Sur le por trait dans J"œuvre de B ailly cf. A. AMATUZZJ, « Un evesque qui s 'amuse àfaire La cour aux Muses »: Monseigneur Baillv portraitiste, dans Mgr A lbert Baill_v évêque d 'Aoste- Qua tre . . . , cit.. Sur la mode du portrait littéraire voir R. DUCHÊNE, Lettre et portrait au XVI[' siè cle, dans Le portrait littéraire, sous la direction de K. Kur1sz, G . -A PÉROUSE. J.-Y DE BREUILLE, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1 988. pp. 1 2 1 - 1 29; J. PLANTIÉ. La mode du portrait littéraire en France ( 164 1 - 1 68 1 ). Paris, Champion, 1 994; J.-Ph. MIRAUX, Le Portrait littéraire, Paris, Hachette, 2003. 3 En réalité Bailly parle de lui-même. 4 Les résultats de a tonique libre, o suivi de yod. e fermé tonique libre et e suivi de yod, pré cédant /1 ou /11 devenus implosifs, pouvaient rimer. Ces sons. différents à l ' origine. avaient abouti en moyen français à [ & ] . Cf. Ch. MARCHELLO-NJZ!A, op. cir., pp. 86-87. ' «On peut pénetrer dans le secret des mystères». A. FURETIÈRE. op. cit., ad vocem.
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