La correspondance d'Albert Bailly Volume X Années 1677-1688 publiée sous la direction de Gianni Mombello

2 1 2 Correspondance d 'A. B a i / I r - 1 6 77-1688 quand j e vous en aurai \dit/ le dessein en petit, peut estre que vousc aurésd la curiosité de me demander l e nom de cette heroine. Je vais donc vous en dire briefvement ce que j 'en ai escrit avec un peu p l us d ' estendue. La rel igion, la l iberté, et la verité sont les trois principaux ornements de la princesse d 'honneur. Elle doit posseder la vertu de rel igion, non seulement par l ' obligation qu 'elle en a comme chrestienne, mais encor pour la rendre inv io­ lable à ses sujets par son authorité et par son exemple. I l faut qu ' e l le ait une liberté entiere et degagée de toutes sortes de dependances pour se d i stinguer des peuples sujets à son empire; et l ' orateur romain me sembl e p l us inspiré que sçavant quand je lui endends dire du mi l ieu des tenebres du pagani sme que le souverai n pour estre l ibre, doit v ivre comme i l veut. Liber est qui vivit ut vult 1 0• I l a rai son: en effect, l e prince n ' est pas seulement l ibre pour ne de­ pendre de personne, mais sa veritable l iberté consiste à v i vre tout comme i l lui plaist et comme i l veut; et i l ne vit de cette manière que lorsque sa raison l i e les passions des sens, et les faisant marcher devant e l le, comme des captives, elle se fait un plaisir de voir, dans leurs chaines, l ' image de sa l iberté, et de faire de leur trouble et de leurs revoltes dont elle triomphe, le pompeux et esclatant sujet de sa quietude et de sa tranqu i l lité; en quoi un grand philosophe establit toute la paix, et tout le repos des hommes: Nul/a placidior quies ea, /[f'2v] quam ratio composuit, semper illic serenum est 1 1 • Enfin, la verité doit entrer dans le caractere de la princesse d 'honneur. E l l e doit estre tousjours veritable, et l ' equivoque mesme que les saints defendent aux chrestiens, le poli tique ne le pennet pas aux souverains, car sitost qu'on s ' aperçoit de leur duplicité, on ne l es croit p l us, et on les quitte. Ainsi, quand i ls promettent des avantages et des reconoissances, i l n ' est rien qui les d ispense d ' observer leur parole, et mesme la loy qui permet de depoui l l er les ingrats des biens qu'on leur a faits, en donne à peine la l icence aux souverains, qu i ne doivent considerer que l ' interest de l eur gloire dans leurs profusions. Voi l à donc, Monsieur, l e portrait de la princesse d'honneur. M ais qui est elle me demandés vous? M a foy, je ne vous le d irei point. Ma i s attendant de vous fa ire adorer son nom i mprimé à la teste de mon l ivre, j e veux m ' eriger moi mesme en prince d 'honneur, aussi suis-j e prince de l 'Eg lise. J ' emploie donc l es dernieres l ignes qui ont achevé l e portrait de l a princesse d ' honneur pour moi, qui m ' occupant des l ouanges \d'autrui/" pendant \qu'on s 'entretient/1 de mes defauts, je puis me fa ire un 10 On retrouve cette même citation dans l 'épître dédicatoire c itée ci-dessus. 1 1 Nul/a placida est quies. nisi quam ratio composuit. Nam lnterdum quies inquieta est. SENECA, Ad Lucilium Epistulae Morales, 1 1 6.2.

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