La correspondance d'Albert Bailly Volume X Années 1677-1688 publiée sous la direction de Gianni Mombello

90 Correspondance dA . Bailly - 1 6 77- 1 688 harangue", que je n'aurais pû faire dans mon grand âge sans risquer ma vie dans la plus rigoureuse saison de l'année. Mais, Madame, je viens de recevoir vingt­ quatre heures aprés celle de cet ami, datée du 7. de ce mois, un ordre contraire \ du 1 2°/, et comme il porte le caractere du cabinet et que c ' est Monsieur le marquis de S[ain]t Thomas de qui je le reçois, ce ministre, dont V.AR . m'a dit tant de bien avec j ustice, je me suis aveuglement abandoné à l ' obeissance que je dois rendre à cette bouche /[f"2r] de Y.AR. , c 'est ainsi que les Ioix appellent les premiers se­ cretaires des souverains. Et me voilà tout prest à parler le premier des graces que Dieu a pris plaisir de vous verser et de l 'obligation que vos peuples lui ont de vous avoir erigée en leur souveraine regente8. Peut être que Monseigneur de Salusses le dira avec" plus de figures, mais non pas plus naturelernent et plus solidement. Mais, Madame, si cet adventage que Y.AR. veut que la langue française ait, avec tant' de j ustice, sur /[f"2v] l ' italiene9 en me preposant à son Achil le, pouvoit tant soit peu troubler et faire quereller les muses françaises et les ital ienes sur mon election, et attirer la haine de celles-ci à V.A.R. et à Monsieur le m[arquis] de S[aint] Thomas, protectrice, et protecteur des autres, de bon coeur, Madame, je consens que vous me sacrifiez et que cet Homere italien l 'emporte sur un chetif grammerien savoiard. J 'en ai trop dit, Madame, disant q ue je suis savoiard, car le savoiard parle français, vous êtes française, et comme dans des choix, quand il seraient egaux, on peut s'attacher innocemment à celui qu'on veut, je gagerais que vous elirez plustost un parleur français pour ouvrir vostre Academie, qu ' un italien 1 0. Serieusement, Madame, commandez moi sans hesite[r], je vous obeirei sans replique, parce que je suis, et vous le sçavez aussi bien que moi, uniquement et avec mille respects, Madame, de Y.AR. Ce 1 6. " harangue sur +?+; b +d+: " tant sur taut tres humble, tres obei ssant et tres fidele sujet, et serviteur. D. Albert E. d 'Aoste ' Sur la régence de Marie-Jeanne-Baptiste et ses débuts cf. I ntroduction, § 1 . ''.La régente Marie-Jeanne-Baptiste patronnait chaudement l 'usage de la langue française dans ses Etats et en particulier dans son duché d'Aoste. En mai 1 678, elle rappelait au gouverneur Ferrero della Marmora que "nous avons donné ordre que toutes les patentes. lettres et provisions que l 'on envenait dans ce duché, füssent en français: vous prendrez aussi garde s'ils n'ont rien usurpé et introduit aucun nouvel usage". Cf Mgr J. Duc, Histoire de l 'église . . . , cit., t. VII, p. 340 1" Nous pouvons fonnuler l'hypothèse selon laquelle la duchesse avait choisi de faire parler Bailly en premier, puisque non seulement son discours portait sur l'union de la langue italienne avec la langue française, mais aussi parce que Marie-Jeanne-Baptiste privilégiait cette dernière.

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