Quelques lettres de l'Abbé Joseph Trèves Pierre Gorret

150 Quelques lettres de l'Abbé Joseph Trèves QUARANTE-SEPTIÈME LETTRE. Il se sent vieillir, quoique à peine sur la soixantaine, mais ne voudrait pas déposer les armes. Le souvenir des campa­ gnes passées lui fait éprouver une p�·ofonde nostalgie. Il entre­ prend un travail moins rude pour ses jarrets et plus reposant pour son esprit, celui de collectionneur de livres, bulletins et journaux valdôtains. Il était épié de près par les argus impitoyables du régi­ me : perquisitions, soupçons, censures, étaient à l'ordre du jour, mais en homme avisé et adroit, il a su manoeuvrer de façon à ne pas se faire confiner dans quelque île de la Méditerranée. A part les flatteries hors-ligne à mon égard, le bon père Chenuil et moi avions caressé plus d'une fois, dans nos fréquentes rencontres ù Boston, le projet de rentrer au Pays et de nous mettre à la dispo­ sition des curés pour un travail missionnaire dans les paroisses. Mais l'homme propose et Dieu dispose. Excenex sur Aoste, ce 8 septembre 1 935 Bien cher Ami, Il m'est toujours doux de recevoir des nouvelles du si cher curé Valdôtain et Antesan du lointain ou mieux de la lointaine St. Bartholomew Rectory, Providence, R. I . , et ton amicale missive du 2 1 août passé, m'a causé une bien agréable surprise. Un merci de coeur du souvenir fidèle et tenace que tu conserves, au milieu du « trambusto » quotidien de ta lointaine Paroisse et Ville Américaine, de cet impénitent de propagandiste valdôtain qui, vieillissant déjà réellement, la tête toute grisonnante ( les vénéra­ bles cheveux blancs s'approchent ! ) , avec déjà certaines vraies in­ firmités chroniques, ne voudrait pourtant pas encore poser les ar­ mes ni abandonner son poste habituel de combat, depuis des an­ nées, dans les tranchées premières du front, face à l 'ennemi; poste périlleux, oui, à certains points de vue, mais beau et fier et pas com­ plètement inutile ni infécond, par la grâce de Dieu. Mais, mes forces physiques faiblissent réellement et tout le reste en même temps . Je chancelle déjà sur le rude mais joyeux che­ min de la vie et je dois me résigner et dire adieu aux soldats de la première ligne, à mes jeunes amis, les francs-tireurs de la Patrie ! - Mon poste à d'autres plus jeunes que moi et à chacun son tour. C'est la loi providentielle.

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